Où se niche le diable ?

Détail de "L'Enfer" de Fra Angelico, 1425 ©Getty - Leemage
Détail de "L'Enfer" de Fra Angelico, 1425 ©Getty - Leemage
Détail de "L'Enfer" de Fra Angelico, 1425 ©Getty - Leemage
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À la fois concept théologique et figure essentielle de la pop culture, le diable n'a jamais vraiment déserté les mondes humains. Mais le connait-on vraiment ? Pour en être sûr, regardons de près l'histoire de ce personnage et ce qu'il a suscité chez les auteurs qui ont tenté (de penser) le diable.

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Lucifer, Satan, Belzébuth, Méphistophélès, Asmodée, Azazel, Béhémot, le Malin, le Démon, le Tentateur… Les noms du diable et de ses avatars sont nombreux, ce qui est peu surprenant pour un personnage dont l'étymologie latine, diaballo, évoque le fait de diviser, de désunir. Dans cette multiplicité de formes possibles, la figure du diable ne représente pas seulement un souverain trônant sur les enfers, il est potentiellement partout, à tous les coins des existences humaines pour les soumettre à l'épreuve de la tentation. Ainsi l'histoire atteste-t-elle de nombreux cas où des hommes et des femmes ont affirmé voir le diable lui-même ou les effets directs de son intervention. Mais plus encore qu'un être magique susceptible d'être croisé à la surface du monde, c'est comme pensée du mal, de la faute et de la chute que l'omniprésence du diable se fait le plus sentir, ainsi Thomas d'Aquin qui, dans sa Somme théologique, s'interroge en ces termes : "Tous les péchés des hommes proviennent-ils de la tentation du diable ? Les démons peuvent-ils faire de vrais miracles pour séduire ? Ceux qui sont vaincus par un homme peuvent-ils l’attaquer encore ?". La présence importante du diable dans l'imaginaire judéo-chrétien est d'autant plus frappante que, si d'autres cultures ont pensé le diable, l'opposition et la binarité Dieu-diable n'est nulle part aussi structurante que dans la tradition occidentale.

En se demandant pourquoi une telle importance de la figure du Malin, c'est toute une histoire de l'Église comme institution que l'on retrace. Celle-ci conduit peu à peu à une forme de sécularisation de la figure du diable, qui passe, à partir de la Renaissance, de fait théologique à fait culturel. À travers ses multiples apparitions dans l'histoire de l'art ou de la littérature, le portrait du diable qui s'esquisse reflète ainsi les peurs et les angoisses successives qui nous occupent, comme les stratégies que nous employons pour les conjurer.

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Romain de Becdelièvre s'est penché sur une rencontre particulière avec avec le diable : un vicaire, un maquignon et un roman de 1926 sont dans la Pièce jointe.

La Pièce jointe
3 min
  • Philippe Martin est professeur à l’université de Lyon, spécialiste de l’histoire des dévotions. Avec Nicolas Diochon, il a fait publier Rencontres avec le diable - Anthologie d'un personnage obscur en 2022 aux éditions du Cerf.

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