François Cusset : qui déteste l'émancipation ?

Marche des fiertés, à Marseille, le 2 juillet 2022. ©AFP - Nicolas TUCAT
Marche des fiertés, à Marseille, le 2 juillet 2022. ©AFP - Nicolas TUCAT
Marche des fiertés, à Marseille, le 2 juillet 2022. ©AFP - Nicolas TUCAT
Publicité

"Pourquoi la différence suscite-t-elle ce mélange de panique morale et de répugnance épidermique ?" interroge François Cusset. Dans cette tribune, le philosophe convoque l'épouvantail "woke" pour mettre au jour l'intolérance d'un vieux monde allié à l'extrême droite.

Avec
  • François Cusset Historien des idées, professeur de civilisation américaine à l’Université de Paris Nanterre

Sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision ou même à l'Assemblée nationale, des voix s'élèvent et s'agitent contre un ennemi flou tour à tour taxé de "wokisme", d'"islamogauchisme", ou encore de "communautarisme". Selon François Cusset, c'est là l'expression réactionnaire d'un mépris, voire d'une haine face aux combats renouvelés de la jeunesse et des "minoritaires" pour la justice, qu'elle soit sociale, raciale, sexuelle ou climatique.

C’est en tant qu’historien des idées, mais aussi en tant qu'homme de 50 ans, père et professeur aux rapports parfois tendus avec la jeune génération, dit-il, que François Cusset exprime son exaspération face aux polémiques anti-woke. De l’"enfumage", dénonce-t-il dans cette tribune. "Pour s’inquiéter du 'monstre woke', il faut n’avoir jamais senti ce que cela faisait d’être un problème, à cause de sa couleur de peau, de son sexe, de ses préférences, de son apparence physique ou de son statut social, décrit le philosophe dans La Haine de l'émancipation. Debout la jeunesse du monde (Tracts, Gallimard) . Woke est le nom d’un fétiche politique, d’un fantasme réactionnaire (...). Il est la marque d’un chantage moral à visée politique, d’un côté, et de l’autre, le symptôme qu’à certains, décidément, l’émancipation des autres est insupportable, plus encore aujourd’hui qu’hier".

Publicité
Répliques
51 min

La violence, l'intolérance, le "cancel", observe François Cusset, s'expriment là où on fait la guerre aux minorités, où l'on hurle au racisme anti-blanc, à l'hystérie féministe et où l'on moque les actions des militants écologistes. Contre ces retours de bâton, on voit se lever une jeunesse qui, avec ses tics de langage, développent aussi de nouvelles stratégies d'action.

"Ce monde n’est pas celui d’une hystérie identitaire contre la Raison des Lumières, comme le disent les nouveaux Croisés, mais d’une intelligence en acte face à une violence et une bêtise inédites. Car, en matière de domination, on le sait, les dominés en savent toujours plus que les dominants." François Cusset, La Haine de l'émancipation

Reste une question : " Qu'ont en commun ces différentes luttes" ? Quel horizon pour cette quête d'émancipation ? Pour François Cusset, une "lutte renouvelée contre le capitalisme", qui intégrerait les questions de lutte contre les minorités, pourrait être un modèle mobilisateur.

À lire aussi : Tracts, le podcast
Tracts

Une production France Culture, en partenariat avec les éditions Gallimard.

Retrouvez tous les Tracts Gallimard  ici.

L'équipe