Aaron Swartz : un héros contemporain

Aaron Swartz à San Francisco ( 2008)  ©Reuters - Noah Berger
Aaron Swartz à San Francisco ( 2008) ©Reuters - Noah Berger
Aaron Swartz à San Francisco ( 2008) ©Reuters - Noah Berger
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Militant d'un Internet libre et ouvert, il est accusé en 2011 d’avoir téléchargé 4,8 millions d’articles scientifiques. Le gouvernement américain a voulu en faire un exemple…

Aaron Swartz est né en 1986 à Chicago. Il s’intéresse très tôt à l’informatique, son père édite des logiciels, ça doit compter pour quelque chose. A 13 ans, Aaron Swartz gagne un prix de création informatiqe, prix qui lui donne droit à un voyage au MIT, le Massachussetts Insitute Of Technology, où il rencontre quelques figures importantes du numérique.

L’année suivante, à 14 ans, il participe à la création du format RSS (fil RSS), qui permet notamment la diffusion d’information sans forcément passer par les média généralistes. La même année, suite à sa rencontre avec le grand juriste Lawrence Lessig, Aaron Swartz participe à la création de Creative Commons, des licences alternatives au copyright, qui sont devenues des outils essentiels à la diffusion des savoirs dans l’univers numérique.

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En 2005, à 19 ans, il participe à la création de Reddit, plateforme communautaire d’actualité qui connaît vite un grand succès, au point que le groupe de presse Condenast la rachète. Aaron Swartz vend ses parts et s’en va. Aaron Swartz est un génie informatique, à plusieurs reprises, il aurait pu capitaliser sur cette virtuosité technique mais ce n’est pas l’argent qui l’intéresse. Aaron Swartz est un idéaliste, ce qu’il défend – avec un caractère de cochon - c’est une idée de l’Internet, et de la manière dont il peut contribuer à la diffusion du savoir.

Aaron Swartz est un idéaliste et quand au milieu des années 2 000, les barrières contre un accès libre à l’information s’élèvent encore, son combat devient plus directement politique. Il se fait figure de proue des mobilisations contre les projets de loi PIPA et SOPA (qui visaient aux Etats-Unis à censurer l’Internet pour faire respecter le copyright), projets de loi qui sont retirés. A ce moment, il créé Demandprogress, une plateforme pour lancer des pétitions en ligne. Parallèlement - il a 25 ans - il théorise un mouvement de guérilla pour l’accès libre aux informations scientifiques. A la base un étonnement : comment se fait-il que les scientifiques publient gratuitement des articles qui sont commercialisés ensuite par d’énormes plateformes, au chiffre d’affaire gigantesque, privant ainsi l’accès libre du public à ces informations ? Pendant quelques nuits, entre septembre 2010 et janvier 2011, il se glisse dans les conduits d’aération et s’introduit dans une salle de serveurs du MIT pour copier la quasi totalité des articles d’une de ces plateformes, Jstore, soit 4,8 millions d’articles scientifiques, dans le but de les rendre accessibles au grand public.

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Mais il n’aura jamais l’occasion de le faire. Il est arrêté par le service de sécurité du MIT (lui si fort en informatique, il n’a fait aucun effort pour dissimuler son acte) et est traduit en justice. Il devait comparaître en février 2012 devant un tribunal du Massachussetts, où il risquait 35 ans de prison 1 million de dollars d’amende.

Mais le 11 janvier dernier, il s’est pendu dans son appartement de Brooklyn. Il était sujet à des épisodes dépressifs, il en avait parlé plusieurs fois sur son blog, mais immédiatement, sa famille et ses amis sont intervenu pour dire à quel point ce suicide était politique. C’est comme ça qu’il est interprété par beaucoup sur Internet, et par grands nombres de chercheurs qui, en hommage à Swartz, ont mis leurs articles en accès libre.

Qu’est-ce qu’un héros en 2013 ? Je ne sais pas, sans doute la même chose qu’avant. Et si on changeait la question et qu’on se demandait ce qu’est un héros de 2013 ? Un héros de 2013, c’est peut-être quelqu’un comme Aaron Swartz, ce n’est pas un grand homme mais un petit geek à jolie tête, quelqu’un qui n’a pour arme que son ordinateur portable, sa maîtrise du code informatique et son obstination presque maladive, qui ne cherche pas la notoriété (et dont la mort tragique a à peine élargi cette notoriété), quelqu’un dont la lutte est une passion individuelle qui rejoint un souci collectif et contemporain, par exemple le souci de l’accès libre à l’information (contre le contrôle politique des régimes autoritaires, mais aussi contre les barrières commerciales dans nos démocraties). Et ils sont sans doute beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit ces héros – de la bloggueuse mexicaine à l’hactiviste russe, en passant par Snowden évidemment – mais on ne les connaît pas toujours. En tout cas, l’écran, les câbles et l’anonymat n’abolissent pas le courage.

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