Robert Musil est un écrivain autrichien qui, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, se dit que pour mieux saisir et comprendre son époque et ses contemporains, ce n'est pas la guerre, la politique ou l'économie, mais bien la bêtise qu'il faut étudier.
- Philippe Chardin Professeur de littérature comparée à l’université de Tours et co-responsable du séminaire de l’équipe Proust à l'ITEM (Institut des Textes et Manuscrits Modernes, CNRS/ENS)
N'allez pas chercher la paille dans l’œil de votre voisin car c'est de bêtise dont on va vous parler.
Musil n'est pas tendre pour son époque, comme Flaubert, il y a toute une mise en cause de la barbarie du spécialiste, un sentiment de méfiance devant la société de masse, le journalisme. Mais en même temps, il se méfie des clivages trop simples entre intelligence et bêtise. L'intelligence, c'est aussi savoir se faire passer comme bête quand il le faut. La bêtise désarme.
Philippe ChardinPublicité
La bêtise est à la fois l'absence de connaissance, donc dans un premier sens c'est l'ignorance, mais aussi la bêtise environnante, ce que Barthes appellera plus tard la bêtise de la culture de masse, et ensuite la bêtise pratique, dans le sens d'agir au mauvais moment, de la mauvaise façon. Ces trois définitions montrent bien que la bêtise recouvre des réalités plus subtiles et nuancées qu'on ne pourrait le penser.
Musil pense justement que la définition de la bêtise, c'est l'explication unique. Et même quand il s'en prend à des philosophies, comme le freudisme qu'il n'aime pas, il le caricature beaucoup en disant qu'il veut tout expliquer par la vie sexuelle. Ou même avec Schopenhauer, qu'il aime pourtant davantage, qu'il résume juste par le vouloir vivre. Et souvent Musil, qui connaît très bien la philosophie mais qui s'en méfie, estime qu'il y a bien une sorte de dogmatisme, alors que justement la bêtise c'est l'unicité des explications.
Philippe Chardin
Réalisation : Mydia Portis-Guérin
Lecture des textes : Georges Claisse
Extraits et musiques diffusés
- Johann Strauss fils, Valse de l'empereur
- Chopin, Valse n° 19 en la mineur
- Richard Strauss, Valse du chevalier à la rose
- Brassens, Le temps ne fait rien à l'affaire
- Bouvard et Pécuchet, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe avec Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle et Pierre Etaix (1989)
- La main à deux pouces, une vidéo d'Eric Duyckaerts
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