Julie veut le SMIC : épisode • 1/5 du podcast Les gens du coin

Ouvrière d'une usine de saucisses ©Getty
Ouvrière d'une usine de saucisses ©Getty
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Nous sommes entre Rennes et Nantes, dans la vallée de l’Erdre. Patrick habite une maison autonome, consomme le moins possible et trouve qu’un SMIC, c’est bien suffisant. Julie, elle, travaille à plein temps dans une usine de lardons et voudrait bien avoir le SMIC.

Exploitation salariale

Julie, cinquante-et-un ans, travaille pour la société Aubret, le leader européen du lardon. Dans l'usine, située à Saint-Mars-la-Jaille, les conditions de travail sont dures. Julie raconte son quotidien : les cadences imposées, les douleurs articulaires, le froid glacial et les brimades. 

Il y a le bruit infernal, les moteurs des machines qui tournent sans cesse, ça claque de partout, c'est fatigant. C'est casse-tête, les moteurs des machines. C'est insupportable. On a beau avoir des bouchons, le bruit est toujours présent. Julie

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Le travail est épuisant et très physique. Il fait toujours très froid dans l'usine. Julie répète toujours les mêmes gestes, doit porter des charges lourdes et volumineuses. 

Il faut récupérer dix kilos de marchandises dans le sac, prendre le sac, le soulever, le souder à la machine. C'est les mêmes gestes et c'est très lourd. Et puis, ce froid : il fait toujours trois ou quatre degrés ! Julie

J'ai des douleurs aux épaules, des douleurs aux coudes, le syndrome du canal carpien à cause des gestes répétitifs. Julie

Julie a demandé à être polyvalente pour pouvoir alterner les gestes et les douleurs... 

Pour ce métier harassant et épuisant, Julie ne gagne qu'un salaire de misère. 

Je suis payée en-dessous du SMIC. Ça fait quand même vingt ans que je suis là. Julie

Alors que la crise du Covid a profité à l'entreprise, les salaires n'ont pas été revalorisés...  

Utopie autonome

Patrick était étudiant en mai 1968. L'expérience du soulèvement ouvrier et étudiant reste pour lui un souvenir fort, même s'il n'a pas tout à fait pris part à l'enthousiasme général.     

Les gens étaient euphoriques, ils étaient heureux d'être ensemble, ils chantaient, ils prononçaient des slogans, et moi, j'étais assez froid, parce que le contenu de ces slogans, c'était changer de pouvoir, c'est-à-dire que les gens râlaient contre le pouvoir. En fait, ce qui m'intéressait moi dans la vie, c'était de reprendre le pouvoir sur moi-même. Patrick

Alors qu'ils pouvaient prétendre à des salaires élevés, Patrick et sa femme, Brigitte, décident de faire le pari de vivre avec peu d'argent. Patrick devient professeur d'éducation physique et son salaire est alors la seule ressource financière de la famille. 

On a vécu pendant sept ans sur un salaire complet, le mien, Brigitte n'ayant pas de salaire. On décide de vivre avec moins d'argent, c'est-à-dire la moitié d'un salaire de prof. C'est deux tiers d'un SMIC, en gros. Patrick

Mais pour réussir à se suffire de deux tiers du SMIC, Patrick et Brigitte ont dû radicalement changer de mode de vie. Ils font l'expérience de l'autonomie : ils construisent une ferme avec un grand jardin, un système de récupération d'eau, et ils investissent dans une éolienne électrique qui leur fournit l'énergie dont ils ont besoin. 

On sait que jusqu'à la fin de notre vie, on n'aura plus rien à payer au niveau électricité, au niveau eau, au niveau taxes, au niveau TVA, etc. Donc on a un confort décent chez nous, sauf qu'on consomme huit fois moins que la moyenne des Français. Patrick

Patrick prône la débrouillardise et la récupération. A présent, le couple vit sur le salaire de Patrick,qui travaille à mi-temps, ce qui lui donne davantage de temps libre. 

Merci à Patrick et à Julie.

Reportage : Rémi Dybowski-Douat

Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Musique de fin : "Everlong" (Accoutic Version) de Foo Fighters. 

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