Le haïku, forme d'expression de l'éphémère à portée des enfants

Le haiku, forme subtile d'art japonais, à la fois complexe et à la portée de tout un chacun. ©Getty - Eriko Koga
Le haiku, forme subtile d'art japonais, à la fois complexe et à la portée de tout un chacun. ©Getty - Eriko Koga
Le haiku, forme subtile d'art japonais, à la fois complexe et à la portée de tout un chacun. ©Getty - Eriko Koga
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Le thème de l'édition 2022 du "Printemps des Poètes" est "l'éphémère" ; l'occasion d'évoquer avec Corinne Atlan, autrice et traductrice de haïkus, ces poésies courtes japonaises dédiées à l'instant présent.

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Depuis le 12 mars dernier fleurit la nouvelle édition du Printemps des Poètes, axé sur la thématique de « L’Ephémère », apportant un peu de poésie dans nos quotidiens par le biais de lectures publiques dans les jardins, de vers dans les métros, et d’ateliers poétiques jusque dans les prisons. Parmi les centaines d’évènements organisés à travers l’hexagone, Marie Sorbier a décidé de s’intéresser à l’un d’entre eux destiné aux plus jeunes, intitulé « L’éphémère dans les rues de la ville ».

Poésie et philosophie japonaise

L’autrice et cotraductrice du recueil Haïku : Anthologie du poème court japonais paru en 2002 au sein de la collection Poésie/Gallimard, Corinne Atlan, fait un point sur la notion d’éphémère, sa signification et sa prégnance dans cette noble forme condensée de poésie qu’est le haïku.

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« Le haïku c’est la poésie même de l’éphémère car c’est une poésie de l’instant. Au Japon c’est une vision du monde, d’un monde d’immanence car on y vit dans l’instant, avec une conscience aiguë de l’éphémère. Il y a toute une spiritualité autour du présent. » Corinne Atlan

Cette importance de l’éphémère se ressent jusque dans la construction des temps dans la langue japonaise qui n’a pas à proprement parler de temps futur, car ce dernier se confond avec le conditionnel, et beaucoup moins de formes de passé qu’en français. Notons par ailleurs que l’éphémère japonais est synonyme d’infini, ou plutôt d’un infini, différent de la définition européenne de la notion.

« L’infini n’est pas linéaire, il ne se perd pas dans la brume d’une dimension qui nous échappe, il est cyclique. L’infini contenu dans l’éphémère est celui du cycle des saisons dans lequel la vie humaine s’inscrit, il y a un côté consolateur à cela car chaque mort est suivie d’un recommencement, d’une naissance. C’est cette vision du monde qui est derrière la poésie. » Corinne Atlan

58 min

Le haïku : un jeu d’enfant

Si l’on imagine que de telles notions et conceptions philosophiques voire mystiques de la poésie, ou de la vie de manière plus générale, peuvent être inaccessibles aux enfants, acteurs principaux de l’évènement L’éphémère dans les rues de la ville, Corinne Atlan indique qu’il n’en est rien, au contraire :

« Les enfants y sont très réceptifs car ils sont par définition inscrits dans l’instant de leur vie. La complexité est de lier ce qu’ils ont vu, ce dont ils ont envie de parler à leur état intérieur, car la plupart des enfants sont très dispersés, en dehors d’eux-mêmes. L’idée est de les faire revenir à leur intériorité. Mais une fois l’exercice compris il y a vraiment des productions magnifiques, extrêmement poétiques. » Corinne Atlan

Pour les éventuels néophytes en matière d’haïku, voici un exemple choisi par Corinne Atlan, qu’elle utilise pour faire comprendre aux enfants l’essence de cette forme poétique minimaliste par l’aspect mais parfois géante par l’émotion qu’elle transmet au lecteur.

Sur la pointe d’une herbe,

Devant l’infini du ciel,

Une fourmi.

- Ozaki Hōsai (1885-1926)

Il est conseillé, après lecture, de prendre un temps de réflexion, puis de relire, pour mieux saisir la finesse des textes et ainsi le laisser infuser en nous.

« On lit toujours les haïku deux fois, ça permet de laisser pénétrer le sens, bien que pour cet haïku il soit évident. Les enfants sont invités à se projeter à la lecture de ces textes, par exemple là dans cette petite fourmi, qu’ils contemplent mais qui est aussi eux-mêmes devant l’infini du monde et de la vie. » Corinne Atlan

27 min

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